Les années que nous vivons ont le bénéfice indéniable de faire prendre conscience à beaucoup des réalités du système économique qui a été construit depuis quarante : il est inefficace, injuste et instable, comme le montrent les exemples Irlandais et Etasunien.
Le tigre est mort
Il y a encore quelques années, le « tigre celte » était donné en exemple à l’Europe entière, avec ses faibles impôts et sa croissance signe d’un dragon asiatique. Mais on comprend aujourd’hui que cette croissance était en partie une illusion et qu’elle portait en elle des déséquilibres économiques majeurs. Patrick Artus le résume particulièrement bien dans une de ses dernières notes : le modèle Irlandais est construit sur son comportement de passager clandestin et sa financiarisation excessive.
La faible fiscalité irlandaise explique en partie la bulle financière. Les bas taux d’IS ont attiré les banques, dont la taille du bilan est passée de 450% du PIB en 2002 à 1050% cette année ! La Grèce s’en tient à 550% aujourd’hui, la France à 400% et la prudente Allemagne à 300%. Le Royaume Uni, lui est passé de 650 à 950% dans le même intervalle. Bref, la bulle financière, nourrie par la faible fiscalité, porte une responsabilité majeure dans la crise Irlandaise.
Et aujourd’hui, l’ensemble de la population doit durement se serrer la ceinture avec un troisième plan de rigueur, une baisse du salaire minimum de plus de 10%, une hausse des impôts et une baisse des prestations sociales. Mais, parallèlement, aucune contribution ne sera demandée aux grandes entreprises qui continueront à ne verser que 12.5% d’IS et profiteront des baisses de salaire. Bref, la population paie cher les erreurs de politiques économiques de ses gouvernements.
Le rêve américain n’est plus
C’est un mythe encore vivace : le fait qu’aux Etats-Unis, tout le monde puisse réussir, quelque soit sa condition, une vision optimiste et individualiste que l’élection de Barack Obama contribue sans doute à entretenir. The Economist a de nombreuses fois souligné qu’au contraire, les Etats-Unis sont devenus un pays figé socialement, où les enfants des classes populaires ont beaucoup plus de mal à progresser que dans l’Europe continentale alors que la richesse se perpétue.
Car le rêve américain est bien mort, même si Barack Obama lui doit en partie son élection. L’envolée du coût de l’éducation supérieure y joue un rôle majeur, comme le souligne Paul Krugman. Un mauvais élève avec des parents riches a autant de chances d’aller à l’université qu’un bon élève dont les parents ne le sont pas. The Economist rapporte ainsi que les frais de scolarité moyens pour faire du droit sont passés d’un peu moins de 3 000 dollars en 1990 à près de 17 000 dollars aujourd’hui.
En outre, la croissance des années 90 et 2000 était en bonne partie illusoire. En effet, comme le rapporte également The Economist, le revenu réel médian (qui sépare les 50% les plus riches des 50% les moins riches) a baissé de 7.1% aux Etats-Unis de 1999 à 2009. Ce qui veut dire que la grande majorité de la population a vu ses revenus baisser, compensant par le recours au crédit. Et si la moyenne a progressé, c’est parce que les très hauts revenus ont explosé.
Bref, le modèle étasunien est bel et bien mort. Sa performance économique venait d’une bulle financière. Il est profondément injuste car il ne profite qu’à une petite minorité, en appauvrissant la majorité. Et les crises de 2001 et 2008 montre qu’en outre, il est très instable.
Laurent Pinsolle